Autopsie mondiale

15/09/2023

Dans une salle de concert un peu miteuse, crépusculaire sur les bords, Michael se prépare à entrer sur scène. Les premiers accords retentissent d'une chanson mille fois entendue et pourtant méconnaissable. Britney esquisse un pas de danse et s'effondre. Une conversation s'engage, les échanges fusent, grinçants, entre les deux icônes de notre société de strass et de paillettes. Deux anges déchus, deux figures paradoxales, coincées en pleine mue, entre enfants géniaux et adultes détraqués. Michael et Britney font partie de ce monde bringuebalant qui fait et défait les idoles selon son bon caprice. Leur musique est gravée sous notre épiderme même si ceux qui les inspirent nous révulsent comme Opinion Mondiale se plaît à le rappeler. Le Fan peut-il encore les aimer passionnément, sans condition ?

Dans cette nouvelle pièce d'Emmanuelle Bayamack-Tam, l'autrice de À l'abordage, nous serons invités à un concert déglingué, jubilatoire, fatalement dissonant, reflet de notre psyché collective. Un miroir déformant tendu pour questionner notre rapport à la jeunesse et à la fin de l'innocence. Si Michael et Britney, pauvres monstres, sont à l'image de ce monde en vrac – ironie tragique – leurs chansons sont peut-être notre seule consolation, notre seul espoir de transe, un legs bancal à éprouver encore sur le dancefloor

Présentée au Théâtre de la Tempête dans le cadre de la saison 2023-2024, Autopsie mondiale est une œuvre percutante qui interroge notre rapport à la célébrité, à la société du spectacle et à la déconstruction des icônes populaires. Écrite par Emmanuelle Bayamack-Tam et mise en scène par Clément Poirée, cette pièce audacieuse nous embarque dans une salle de concert délabrée où se croisent nostalgie, désenchantement et provocation artistique.

La pièce se présente comme un concert déstructuré et dissonant, mêlant dialogues percutants, performances musicales et réflexions acides sur notre époque. Clément Poirée orchestre cette cacophonie volontaire pour révéler une vérité plus profonde : celle d'une société obnubilée par l'image, la performance et l'éphémère.

Les moments d'humour noir se mêlent à des instants de pure mélancolie. Entre les éclats de voix et les silences pesants, Autopsie mondiale pousse le spectateur à réfléchir à son propre rôle dans ce théâtre du spectacle permanent. Sommes nous simplement des spectateurs ? Ou portons nous une part de responsabilité dans la création et la destruction de ces icônes ?

Le texte d'Emmanuelle Bayamack-Tam brille par sa finesse et son ironie. Elle n'hésite pas à bousculer les codes en mêlant des références à la pop culture avec des questionnements existentiels. Le résultat est une écriture à la fois jubilatoire et dérangeante, qui résonne longtemps après la fin de la représentation.

La mise en scène de Clément Poirée, quant à elle, amplifie cette dualité. Les choix esthétiques – un décor à la fois kitsch et désolé, des éclairages criards qui rappellent les feux des projecteurs, et des costumes évoquant les excès de la pop des années 1980 – renforcent l'impression d'un univers à la dérive.

Impossible de parler d'Autopsie mondiale sans évoquer la bande-son. Les choix musicaux, qui alternent entre tubes nostalgiques et compositions originales, ne se contentent pas d'accompagner la pièce : ils en sont un acteur à part entière. Chaque morceau semble conçu pour souligner les émotions, marquer les transitions et plonger le spectateur dans l'ambiance d'un concert aussi captivant que dérangeant.

Les références à des titres phares des années 1980 et 1990 réveillent des souvenirs collectifs tout en les confrontant à une nouvelle lecture : que reste-t-il de ces hymnes de notre jeunesse lorsque la magie s'éteint et que le voile se lève sur la réalité ?

"Mais tout le monde est vide, je me tue à vous le dire ! Si vous cherchez un secret, en voilà un. Un secret bien gardé mais qui ne résisterait pas à une autopsie mondiale. Allez-y, incisez, ouvrez les poitrines, les estomacs, les cœurs ! Vous verrez bien !" - Michael

Pour vous plonger davantage dans l'univers de la pièce, voici l'interview de Clément Poirée :

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