Les méritants

L'apocalypse zombie a déjà eu lieu. Un nouvel ordre social est en train de s'inventer. Une société coupée en deux, d'un côté les humains, survivants retranchés derrière les barricades, de l'autre les zombies, les "sous-vivants", peut-être nos doubles monstrueux. Les premiers sont en haut de l'échelle sociale, la cohorte des seconds pédale pour éclairer les premiers. Mais jusqu'à quand ? Avant la révolte des zombies, nos survivants vont devoir inventer quelque chose pour justifier l'ordre social : le mérite ! Qui veut, peut. Non ? 

Pour sa première venue à la Tempête, Julien Guyomard (qui signe le texte et la mise en scène de cette comédie allégorique satirique) a choisi de s'intéresser aux rouages de la méritocratie. Forcés à cohabiter, humains et zombies se cognent aux murs de cette société à deux vitesses. Jusqu'au jour où le zombie Clairvius parvient à passer de l'autre côté, à intégrer le comité central dirigé par les humains. Mais si un zombie réussit, gagnant ses galons de cadre sup', qu'est-ce qui empêche les autres d'y arriver ? Les zombies méritants sont-ils les bienvenus ? Ou l'ascenseur social serait-il légèrement enrayé ?

Au cœur de la saison 2023-2024 du Théâtre de la Tempête, Les Méritants, une pièce écrite et mise en scène par Julien Guyomard, s'impose comme une œuvre originale et audacieuse. Sous des allures de comédie absurde et déjantée, cette création théâtrale explore des thématiques sociales, politiques et philosophiques, en utilisant le prisme d'un univers postapocalyptique où humains et zombies cohabitent dans un fragile équilibre.

Ce postulat de départ, à la fois absurde et terrifiant, n'est pas sans rappeler certaines dystopies classiques, mais ici, l'humour et l'ironie viennent sublimer le propos. La pièce se moque des idées de méritocratie et de progrès tout en dénonçant subtilement les inégalités et les hypocrisies de nos sociétés contemporaines.

Le contraste entre les humains, persuadés de leur supériorité morale, et les zombies, relégués à un statut inférieur malgré leur rôle indispensable, pose une question cruciale : qu'est-ce qui définit la valeur d'un individu ?

L'intrigue prend une tournure inattendue lorsque Clairvius, un zombie doué de réflexion et d'une volonté inébranlable, parvient à grimper les échelons de cette société fracturée. Son intégration au comité central, le cœur décisionnel de la communauté humaine, bouleverse les normes et remet en cause les règles du jeu.

Clairvius devient une figure symbolique, à la fois caricature et reflet poignant de ceux que la société considère comme "inférieurs" mais qui, par leurs efforts ou leur intelligence, parviennent à franchir des barrières invisibles.

Cependant, la pièce ne se limite pas à une simple apologie de l'ascension sociale. Julien Guyomard questionne également les travers de la méritocratie : est-elle réellement équitable ? Qui définit les critères du mérite ? Et surtout, à quel prix certains sont-ils prêts à sacrifier leur identité pour gravir les échelons ?

La bande sonore est un élément clé de Les Méritants. Les choix musicaux, entre bruitages postapocalyptiques, musiques originales et clins d'œil ironiques, ajoutent une dimension immersive à la pièce. Chaque morceau accompagne les actions sur scène, intensifiant l'impact émotionnel des moments clés.

Le son du pédalage des zombies, par exemple, devient un leitmotiv oppressant, rappelant leur condition servile et le cycle sans fin de leur exploitation. À l'inverse, les instants de silence dans certaines scènes renforcent l'impact des dialogues et des confrontations.

"J'aurais jamais cru que finalement, les zombies, c'était vraiment des zombies." -Sam 

Pour vous plonger davantage dans l'univers de la pièce, voici l'interview de Julien Guyomard :